" Vous avez dit halal ? ". Normativités islamiques, mondialisation et sécularisation,
Colloque international, 7-8 novembre 2013, Salle Claude Lévi-Strauss, Paris, France.
Résumé
L'approche
grammaticale de Wittgenstein peut être utilisée à propos de termes
faisant référence au divin et à la religion. Elle articule un « terme »
avec ses usages sensés pour une communauté d'utilisateurs. Ce que le
terme peut signifier est strictement lié à ces usages. A priori, le « halal »
et le « bio » renvoient à des communautés d'utilisateurs différentes.
Mais, il s'agit de communautés virtuelles, c'est-à-dire de communautés
distinctes d'individus concrets. On peut donc à la fois être musulman et
adepte des produits « bio », comme on peut être musulman et aimer le
football. Les deux identités sont discrètes, leur coprésence n'est pas
intrication. Le « halal » relèverait ainsi d'un ordre de vérité et le « bio » d'un autre.
De fait, le « halal »
consiste dans le respect d'un prescrit divin alors que le « bio » est
une forme de rapport à la nature. Les ontologies mobilisées ne sont
ainsi, au départ, pas les mêmes. La relation à Dieu et la relation à la
nature ne renvoient pas, en effet, au mêmes conceptions du monde et aux
mêmes identités (d'une même personne). On ne mange pas « bio » afin
d'obéir à un prescrit divin mais par souci de soi. Toutefois, si l'on
consulte les sites consacrés à ce double label et les commentaires de
ses partisans, il semble que l'on ait affaire à un même jeu de langage.
Plutôt que de souligner les contradictions entre l'un et l'autre
registre, on se propose de considérer le « halal-bio » comme un
jeu de langage à part entière et, partant, d'en explorer la grammaire,
c'est-à-dire les usages sensés simultanés des deux catégories. Cette
approche devrait nous permettre de substituer l'arrière-plan de
compréhension de la vie quotidienne contemporaine à l'arrière-plan de
compréhension de la normativité islamique pour rendre compte de
l'actualité du halal (et, partant, du divin).